L’association Bipolarité France et ses partenaires publient un rapport sur l’importance du diagnostic chez les personnes atteintes d’un trouble bipolaires

12 Avr 2023 | Évènements, Programme d’innovation

Des premiers symptômes au diagnostic : un chemin souvent long et vertigineux

Le trouble bipolaire est une maladie psychiatrique chronique caractérisée par des troubles récurrents de l’humeur. Les personnes bipolaires alternent épisodes maniaques, hypomaniaques, dépressifs ou mixtes. La littérature scientifique nous apprend que les premiers symptômes du trouble bipolaire apparaissent en général entre 15 et 25 ans[1]. Du côté des répondants de l’enquête, 19 % évoquent une apparition des premiers symptômes avant 15 ans, 32 % entre 15 et 20 ans, et 17 % entre 21 et 25 ans.

Le trouble bipolaire est une maladie extrêmement complexe avec des causes multifactorielles : des facteurs génétiques, biologiques, psychologiques et socio-environnementaux sont impliqués. Même si l’on ne peut pas affirmer avec certitude l’origine de ce trouble, il semblerait qu’il existe une forte prédisposition familiale. En effet, le risque de développer une maladie bipolaire est 10 fois supérieur à celui de la population générale lorsqu’un parent du premier degré est atteint[2]. L’environnement peut jouer également un rôle dans le déclenchement du trouble bipolaire.

Les répondants ont été interrogés sur les événements qui auraient été, selon eux, déclencheurs des premiers symptômes du trouble de la bipolarité. Et les réponses sont parfois étonnantes. Si sans surprise, un traumatisme (de façon général) serait déclencheur chez 39 % des personnes interrogées, d’autres répondants évoquent l’arrivée d’un enfant (9 %), de mauvaises conditions de travail (19 %), une période d’examen (13 %), un départ du domicile familial pour les études (11 %), ou même encore un déménagement (10 %). Ces données nous montrent qu’en fonction de l’état émotionnel de la personne, un événement qui peut sembler au premier abord assez « classique » dans une vie, peut en réalité provoquer des conséquences dramatiques et être potentiellement déclencheur d’un trouble mental, ici le trouble bipolaire. Même si ces données ne constituent pas une preuve scientifique, un changement de vie, quel qu’il soit, n’est pas à prendre à la légère et le moindre dérèglement de l’humeur doit être explicité et pris en charge, voire diagnostiqué s’il s’agit d’un trouble mental.

Le diagnostic des troubles bipolaires : un enjeu majeur de santé publique

Les répondants sont catégoriques : le retard de diagnostic a eu des conséquences lourdes dans leur vie, et notamment au niveau des relations. En effet, 72 % des répondants affirment que le retard de diagnostic a eu un impact au niveau des relations personnelles. 69 % ont également évoqué un impact sur leur santé mentale, suivi de près par des pensées suicidaires (61 %) : un retard de diagnostic qui n’a donc fait qu’aggraver la situation de ces personnes déjà en détresse. 44 % ont perdu leur emploi ou abandonné leurs études, quand d’autres sont passées à l’acte et ont tenté de se suicider (36 %).

A ce jour, il n’existe pas d’outil d’évaluation objectif pour le diagnostic du trouble de la bipolarité. Le diagnostic des troubles bipolaires repose uniquement sur un examen clinique psychiatrique du patient, réalisé par un médecin spécialiste à l’aide de questionnaires et de diverses échelles validées[3]. A partir des symptômes rapportés et des signes observés, le médecin peut poser le diagnostic de trouble de la bipolarité. Le diagnostic est généralement long et complexe : or, détecté tardivement, ce trouble peut avoir des répercussions très néfastes pour la santé mentale et physique des patients, pour leurs aidants et plus généralement dans les sphères familiale, sociale, et professionnelle.

Si le trouble de la bipolarité est si difficile à diagnostiquer, c’est parce qu’il est souvent confondu avec la dépression. Il y a plusieurs raisons à cela[4] : une majorité de personnes consultent en phase dépressive (c’est souvent le symptôme qui s’exprime en premier lieu) ; le début des états maniaques peut ne pas être alarmant au premier abord ; il peut y avoir une confusion avec la schizophrénie ; l’abus de toxiques peut masquer d’autres symptômes ; les variations de l’humeur à l’adolescence peuvent être perçues comme normales et/ou transitoires1. Plus d’1/3 (37 %) des répondants de l’enquête évoquent la présence unique d’épisodes dépressifs (sans épisodes maniaques) comme cause principale du retard de diagnostic.

Aujourd’hui, il y a urgence à poser un diagnostic rapidement car la personne avec un mauvais diagnostic peut recevoir un traitement inapproprié qui ne soulagera pas ses symptômes, et pourra même aggraver son état de santé physique et mental. Les pathologies de bipolarité et de dépression ne répondant pas aux mêmes traitements, le mauvais diagnostic peut aussi favoriser les comportements à risque (abus d’alcool et d’autres substances par exemple) et également augmenter le risque de suicide.

Il aura fallu entre 2 à 5 ans pour obtenir la confirmation du diagnostic à 50 % des personnes interrogées, 5 à 10 ans pour 18 %, 10 à 15 ans pour 11 %. Pour 20 % des répondants, le diagnostic aura été confirmé plus de 15 ans après l’apparition des premiers symptômes.

10 recommandations pour réduire le temps de diagnostic des troubles bipolaires et améliorer la prise en charge

Conscients de l’enjeu que représente le diagnostic des troubles bipolaires, l’association Bipolarité France et ses partenaires ont émis 10 recommandations actionnables à court, moyen et long termes pour réduire le temps de diagnostic et améliorer la prise en charge :

  1. Sensibiliser le grand public sur les troubles bipolaires.
  2. Soutenir l’innovation au service des patients.
  3. Augmenter le nombre d’heures de formation dédiées à la santé mentale et au diagnostic des pathologies mentales dans le cadre des formations initiale et continue obligatoire des professionnels de santé.
  4. Redonner goût à la psychiatrie.
  5. Encourager la psychiatrie de précision.
  6. Sensibiliser les médecins généralistes aux enjeux de la symptomatologie du trouble bipolaire difficile à différencier de la dépression, ainsi qu’à l’enjeu du diagnostic précoce pour la santé mentale et physique de leurs patients.
  7. Créer un véritable écosystème autour des troubles bipolaires.
  8. Former l’entourage pour qu’il puisse mieux accompagner et soutenir.
  9. Démocratiser l’utilisation du digital en psychiatrie.
  10. Faire évoluer le rôle du psychologue.

[1] Ameli. Comprendre le trouble bipolaire. 11 mai 2021

[2] GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences. Les troubles bipolaires.

[3] https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm/educational-resources/dsm-5-fact-sheets 

[4] HAS. Troubles bipolaires : diagnostiquer plus tôt pour réduire le risque suicidaire. 6 octobre 2015

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